J’ai relu Les braises de Patagonie. Et compris que ce qui m’avait attiré dans ce livre était moins la trame encordée des destins des personnages que leur fusion, leur absorption, dans la géographie, le paysage : ce sud du Chili, âpre, glacé, balayé de vents et d’une stupéfiante beauté. En filigrane, en guide fragile, on trouve Gabriela Mistral, la poétesse, prix Nobel de littérature en 1945. Je me souvenais de ces vers dans l’anthologie qu’avait publié Nicole chez Caractères : Il est des pays que je me rappelle comme je me rappelle mes enfances./ Ce sont des pays de mer ou de fleuve,/ de pâturages, de plaines et d’eaux. J’ai découvert ici, juste cité, un texte de 1931 qu’elle avait écrit pour le quotidien El Mercurio : « La petite carte audible du Chili ». Je suis allé voir. Les cartes visuelles ont déjà été faites, y explique-t-elle, ainsi que les cartes palpables, c'est-à-dire celles du relief ; il manque la carte des résonances qui rendrait un pays « audible ». Le livre de Delphine Grouès porte les souffles, les voix, les échos. J’ai raté la messe des Cendres. Amélie y a assisté à Saint-Germain. J’ai placé mes prières tout à côté des siennes.