Je peux passer ? J’ai eu la visite de ma cousine Josette. Elle était allée sur la tombe de Georgette au cimetière de Carolles. On se voit très peu bien qu’elle habite tout près d’Avranches. Elle et Jean-Claude sont venus s’installer dans la région après que Georgette, justement, avait déménagé de Roubaix au milieu des années 1980 pour venir aider ma mère. Mon père ne s’était pas remis de son attaque et il était cloué dans un fauteuil roulant. Depuis, leurs enfants, petits-enfants, ont aussi, pour une part d’entre eux, élu domicile par ici. Je ne les vois pas davantage. Ce qui me lie à Josette est affaire de souvenirs lointains. D’enfance. Encore qu’elle était déjà grande, l’aînée des trois filles de mon oncle Henri et de ma tante Marcelle. J’étais beaucoup plus proche de deux autres, Agnès et Françoise. Petit garçon, j’étais même amoureux de Françoise. Françoise est morte en mars 2018. D’Agnès, je n’ai plus de nouvelles depuis longtemps. Je lui avais écrit un petit mot au décès brutal d’Alain, son mari, en 2019. Elle n’avait pas répondu. Mes histoires de famille sont devenues des histoires de morts, des histoires de cimetière. C’est d’ailleurs parce que je venais de lui envoyer la photo de la tombe, refleurie, nettoyée, de mes grands-parents à Roubaix (depuis deux ans, je paie quelqu’un pour l’entretenir) que Josette a pensé à venir à la maison. D’un cimetière à l’autre, d’une tombe à l’autre, d’un mort à l’autre. Je lui ai raconté les funérailles de Georges. Lui ai remis quelques souvenirs de rien récupérés dans sa chambre. Nous avons parlé du passé, des moments, des visages. Fichu théâtre d’ombres. Elle va avoir quatre-vingt ans en novembre, ma cousine.