Mardi 3 septembre 2023. 22h45.
Par Xavier Houssin le mardi 3 septembre 2024, 23:59 - Lien permanent
Un peu moins de courrier en retard. J’ai passé la matinée à le rattraper comme j’ai pu. Répondu au message de Laurence surtout. Elle organise une fête l’été prochain à Nice pour la guérison de son fils. Cela fera cinq ans qu’Adam a reçu sa greffe de moelle osseuse. Passer du mot « rémission » à celui de « guérison », écrit-elle, c'est un peu comme quitter une planète pour une autre. Laurence a vécu un long cauchemar. A quatre ans, ce petit bonhomme a été admis à l’hôpital Robert-Debré le 20 mars 2020 après qu’on lui avait diagnostiqué une leucémie aiguë. Il a commencé une chimio quatre jours plus tard. Début avril, il entrait en aplasie, c’est à dire que la chimio bloquait temporairement l’activité de sa moelle osseuse et la production de ses cellules sanguines. Sans défenses donc. Il a contracté de nombreuses infections, avec des poussées de température à plus de 40°. Nous étions en mai. Antibiotiques, corticoïdes, morphine. Ça a été de longs mois d’incertitude et de souffrances. Sa moelle ne « repartait » pas. Il fallait une greffe. Sa grande sœur Gaïa, 20 ans, a fait le don de moelle le 8 juillet La greffe a eu lieu le 17. Et elle a pris. Adam est sorti de l’hôpital à la fin du mois d’août. Le printemps 2020, c’était le moment de ce confinement absurde, rigide, où l’on devait justifier le moindre déplacement. Laurence, tous les jours, était au chevet de son fils. Et tous les jours nous nous sommes écrits (par WhatsApp, comment faire autrement ?). Elle me donnait des nouvelles, je lui gribouillais des petits mots, des poèmes, je lui envoyais des photos du jardin, de la falaise, des ciels changeants. Je viens de regarder sur mon téléphone : ces conversations ont disparu. Il n'en reste rien. Comme si un khamsin avait soufflé et recouvert tout d’une mince couche de sable. Saleté de technologie. Laurence a fait un livre de son étrange et douloureuse traversée. Il s’appelle D’une aube à l’autre et est paru chez Stock en janvier 2022. Bien sûr que nous serons à Nice en juillet. D’autant plus que je n’ai jamais rencontré Adam. Il aura alors dix ans. J’ai fait place nette au bûcher, sous la pluie, pour la livraison de samedi. Profité d’une éclaircie pour aller voir la mer depuis la falaise. La chienne bondissait dans les prés mouillés, mauves et blancs de centaurées et de carottes sauvages.