Mercredi 16 mai 2018. 23h50.
Par Xavier Houssin le lundi 21 mai 2018, 22:52 - Lien permanent
J’ai fait le voyage en voiture avec la chienne. Arrivé en tout début d’après midi sous le soleil. Amélie m’avait donné rendez-vous pour déjeuner place Maubert. De là j’ai filé tout de suite au Fouquet’s où avait lieu le jury du prix Marcel Pagnol. J’étais venu juste pour ça. Je ne voulais pas rater la délibération parce que cette année, je trouvais que trois titres de la sélection (sur six !), quelque soient leur qualités d’ailleurs, ne correspondaient pas du tout à l’esprit du prix, à savoir récompenser un livre sur le thème du souvenir d’enfance. Et je voulais en débattre. J’avais mon favori : Simon de Jocelyne Desverchère, récit à la première personne d’un petit garçon qui vient de perdre sa mère et dont la garde, confiée, à la campagne, chez des amis du père, se trouve remise en cause par les grands-parents maternels. Le texte est âpre, douloureux. Je l’ai trouvé écrit, comme on dit, à hauteur d’enfant. Non pas à la manière d’un enfant, mais bien avec le vrai désarroi et la peine d’un enfant débordé par ces circonstances. Nous n’avons été que deux à le défendre. Il y avait aussi Les années discrètes de Benjamin Pelletier, des pages d’une grande justesse sur les riens du grandir, les mots, et les mystères. La peur des loups et puis celle de se perdre. Cela forme comme une très délicate anthologie des souvenirs d’enfance. Avec les siens, il s’accroche aux nôtres. Il y mêle ceux des écrivains et nous raconte des histoires. Lui non plus n'a pas été retenu. J’aurais volontiers donné mon vote à un deuxième tour à Caractériel de Denis Tillinac, très proche, émouvant. Expression, pour le coup, de ces souvenirs d’enfrance, comme en parlait Pierre Sansot. Je l’aurais soutenu d’autant plus que j’avais trouvé injuste et même méchante la manière dont Claro l’avait démoli dans son feuilleton du Monde. Mais c’est un des autres, à ma grande incompréhension, qui a été tout de suite distingué. A propos de ces livres où l’enfance n’apparaît pas, ou si anecdotiquement, j’ai entendu certains, pour tenter d'en justifier le choix, expliquer doctement que tel racontait l’enfance d’un peuple, d’un pays ou que, pour celui qui avait été primé, s’il ne parlait pas d’enfance, c’était sans doute parce qu’elle était trop difficile, trop douloureuse à dire. Je suis resté assez abasourdi. Une qui se fichait visiblement de tout cela, c’était La Harpe, endormie à mes pieds sur l’épaisse moquette du salon Alexandre du Fouquet’s. Elle était ravie aussi d’être l’objet des attentions de tous ces gens qu’elle ne connaissait pas. Et se pâmait sous les caresses de Claude Pujade-Renaud que, décidemment, j’aime beaucoup. Quand à moi, je suis sorti de là assez énervé. Plus contre moi-même d’ailleurs que contre quiconque. Je suis passé prendre Amélie en voiture près du jardin Albert-Kahn à Boulogne. Nous étions invités à dîner chez Marion et Jérôme à Saint-Cloud. L’occasion de voir les enfants. Gabrielle surtout qui venait de recevoir la lettre que j’avais écrit pour elle à propos de son petit lapin noir qu’elle avait oublié (enfin, ses parents..) dans l’avion du retour de Mexico. Ca avait été un drame. Ce lapin, je lui avais offert à la naissance et il ne l’avait jamais quitté. A peine égaré, immédiatement retrouvé. Mais là… J’avais bien pensé lui acheter le même, un qui aurait pu donner le change, bien qu’un peu moins usé. Mais aux Cousins d’Alice, la boutique de la rue Daguerre où je me fournis en peluches et en jouets, j’avais appris que le fabriquant avait renoncé depuis longtemps aux lapins noirs. Je suis reparti avec un marron que j’ai pris la décision de teindre. Hélas, ces bestioles sont en polyester. Et après deux tentatives de teinture ordinaire, il m’a fallu en trouver une spéciale. J’ai donc fait bouillir deux heures le malheureux doudou dans un soluté noirâtre d’où il est sorti de la bonne couleur (il a quand même fallu le rincer en machine une dizaine de fois). Et j’ai écrit à Gabrielle une lettre en espagnol : Señorita Gabriela, mi hija que limpia los aviones en el aeropuerto de México encontró su conejito negro bara uno asiento… Bref le lapin avait été recueilli par une famille mexicaine qui avait pris soin de lui et il n’avait plus qu'à faire le voyage jusqu’en France. J’avais quand même précisé qu’elle risquait de le trouver un peu changé. De tout râpé, il était devenu un peu plus soyeux. Le soleil mexicain, sans doute…