Comme à chaque fois ou presque que je vais chercher Amélie à la gare, je me trouve, sur le quai, à côté d’un monsieur qui, lui aussi, attend sa femme au train de Paris. Nous avons chacun notre chien en laisse. Nous ne disons pas un mot, nous nous ne nous faisons pas un signe. Lui est flanqué d’un gros labrador qui se tient à ses pieds, parfaitement indifférent à ce qui l’entoure. Mais lorsque le train s’annonce au loin, le voilà qui relève la tête, remue la queue avec contentement. Quand les voyageurs commencent à descendre, il se dresse, et du plus loin qu’il aperçoit sa maîtresse, il se met à faire, sur place, des bonds impressionnants. On le dirait monté sur des ressorts. Lorsqu’elle arrive à sa portée, il entre en transe. Il est enivré de bonheur. Pour La Harpe aussi, c’est l’euphorie dès qu’elle voit Amélie, mais elle n’a pas encore ce maintien dans l’attente, cette distance (ce flegme) du chien bien élevé. Cela viendra, j’en suis sûr. J’avais repéré depuis longtemps ce labrador et son maître. Je m’étais dit qu’un jour, moi aussi, je serais peut être au bout du quai à Granville avec mon chien. Le coeur battant à l’unisson, à l’arrivée d’Amélie.