J’ai confié ce matin la Harpe à Jean-Pascal. Il fallait que j’aille à Paris deux jours. Des rendez-vous médicaux que j’avais trop repoussés et puis, je devais aussi défendre de vive voix auprès de Raphaëlle mes choix de papiers pour Le Monde. Loin des yeux, loin du cœur : je connais trop l’adage. Sinon, je n’aurai à m’en prendre qu’à moi-même. J’avais embarqué à Coquelonde le panier de couchage, les gamelles, une provision de croquettes. Agathe sera ravie, m’avait dit Jean-Pascal (elle est en vacances). N’empêche, il avait eu la précaution de faire venir Margaux, sa meilleure copine, pour l’occasion. Elles sauront bien s’en occuper ensemble. J’ai quitté Coquelonde avec le sentiment de commettre une mauvaise action. J’ai filé comme un voleur par le sous-sol pendant que les filles jouaient avec la chienne. Cela fait un mois que je n’ai pas quitté cette petite bête. Que nous avons nos codes, nos rites, nos horaires. Qu’elle dépend complètement de moi. Qu’elle s’est laissée aller dans une absolue confiance. Quelle responsabilité. J’avais l’impresion de l’abandonner, de la trahir. J’ai pris le train à Villedieu à cause de ce fichu carnaval de Granville qui barre l’accès à la gare avec ses manèges où jamais ne vient personne. Pitié… A l’arrivée, j’ai trouvé Paris bruyant. Sale. J’avais rendez-vous avec Amélie et Pascale à l’Oenosteria. Syndrome de provincial. J’avais l’impression d’être ailleurs, de ne pas bien comprendre. Allez, encore un verre… Mais depuis combien de temps suis-je parti ? Même pas un mois. Je n’ai pas eu envie de dîner. Nous nous sommes rentrés à pied le long du boulevard Saint-Michel. Et couchés tôt.