Nous sommes rentrés. Je suis rentré. Il était temps. Cela ne servait à rien que je reste. Pendant ces longues semaines passées à Carolles, je n’ai pas écrit ou si peu que ça ne vaut pas la peine d’en parler. A chaque fois que j’entre dans le livre, j’ai l’impression de le faire par effraction. Et je n’ai pas une âme de cambrioleur. Ce serait plutôt l’inverse. La semaine dernière, j’étais sorti au soleil du jardin après déjeuner. Arraché quelques mauvaises herbes. Coupé des goussons sur les rosiers. Quand j’ai voulu rentrer, la porte était fermée à clé. J’ai cru que j’étais passé par la cour, par le cellier ou par la chambre, mais tout était verrouillé. J’ai fait le tour de la maison, cherché sans succès une fenêtre au moins entrebaillée. Je suis allé prendre le double du trousseau chez Mme Bassard. Rien à faire pour ouvrir. J’ai fini par appeler Thierry Giffard. Je suis enfermé dehors. – Comment avez-vous fait ? Il est arrivé une demi-heure plus tard. Je m’attendais, à ma grande honte, à ce qu’il règle le problème en trois coups de clanche. Mais lui non plus n’arrivait à rien. Il a dû entièrement démonter la porte du cellier. Une heure de travail. Heureusement que vous n’aviez pas mis la barre… Parvenus à la porte, il y avait un tour complet dans la serrure. Thierry Giffard en était tellement troublé qu’il a même appelé : Il y a quelqu’un ? Il y a quelqu’un ? Le mystère me reste entier. Quel fantôme a pu me jouer ce tour ? J’ai pensé à mon père, mort en 1986 dans la pièce qui est maintenant mon bureau et où j’essaie, désespérément, d’écrire mon livre. Non. Ce n’est pas possible…