Nous sommes arrivés en retard au musée pour la conférence sur les tapisseries d’Aubusson. Il s’y trouve en effet en ce moment une exposition de panneaux retraçant des épisodes la vie de l’empereur Constantin et aussi de celle de saint François d’Assise. Très « germanien » tout ça… Mais comme il ne restait plus une seule place assise, nous sommes allés nous balader dans les étages. Ici, la muséographie et les parcours thématiques n’ont pas encore détruit le charme. Dans l’apparent désordre, si rassurant, de l’accrochage, j’ai retenu quatre très beaux paysages italiens du XVIIIe. Un Ary Scheffer, Les morts vont vite, que je croyais avoir vu, enfant, aux Beaux-Arts de Lille. Un portrait de sculptrice dans son atelier par Blanche Polonceau. Une peinture XVIIe représentant une jeune fille, toute en peau blanche et roseurs... Nous nous sommes arrêtés devant une très grande toile d’Alexandre-François Desportes, le peintre de chasses et de meutes de Louis XIV et Louis XV. Y figure un bestiaire exotique (zèbre, panthère, rhinocéros, tortues, iguanes, poissons étranges, oiseaux multicolores…) d’un déroutant surréalisme. Desportes, le malheureux, qui n’avait sans doute fait, au mieux, qu’apercevoir quelques rares spécimens dans un cabinet de curiosités, ignorait tout de cette faune lointaine. Son imagination s’est emparée du reste. Mais le plus beau était dans la galerie d’histoire naturelle. Quelle émotion… Près de mille espèces naturalisées sont rassemblées dans une grande pièce au rez-de-chaussée. La plupart datent, du début du XIXe. Une accumulation baroque, le moindre espace occupé. On trouve des moulages, des squelettes, des fossiles, des œufs, des herbiers. Les boîtes d’insectes de la collection de Charles Alluaud (ses captures locales, les autres sont au laboratoire d’entomologie du museum à Paris). Tout cela est un peu fané, fatigué. Mais tellement, tellement bouleversant. Je suis resté là un très long moment. Dehors, ça s’activait pour la cavalcade, « la fête du bœuf gras », où l’on traîne à travers la ville, au son d’une fanfare, un animal en carton pâte, fleuri et enguirlandé. Tu tires le char avec moi ?, m’a crié Hugues Bachelot. Comment refuser ? C’est un hommage à Marcel Jouhandeau. Le cortège se termine devant sa maison natale au bas de laquelle était la boucherie familiale. On y lit à haute voix un extrait du Livre de mon père et de ma mère. Drôle de personnage que Jouhandeau. Grand écrivain, je crois... Et encore et toujours détesté. Nous avons dit au revoir aux uns, aux autres. A la prochaine ! Joëlle nous avait invité, avec Sylvie Germain, Jean-Marie Chevrier et sa femme, Jean Guiloineau, Milène Stefkovic et Françoise Henry, pour un déjeuner au Coq en pâte, le « restaurant de notaire » de Guéret. Nous avons trinqué. On s’est tous promis de se donner des nouvelles. Grand beau temps. Nous avons dormi dans le train. Presque jusqu’à Paris.