Découvert dans la pile de courrier d’août un avis de recommandé avec accusé de réception. Aie. Quand elle était passée en coup de vent au milieu du mois, Amélie avait pensé qu’il s’agissait d’un paquet trop volumineux mis en instance. Un livre de rentrée ou quelque chose comme ça. Mais de toute manière, comme nous ne nous sommes pas fait de procurations pour ce genre de choses, elle n’aurait pas pu aller le chercher. Maintenant, il est largement trop tard. Ce n’est rien, ce n’est rien. Tu parles. Ce rien du tout m’a terrassé. Débordé d’immaîtrisable angoisse. Impossible de me calmer. J’ai fini par filer au bureau de poste. L’employée est parvenue à me retrouver l’adresse de l’expéditeur. Il s’agissait de la compagnie d’assurance du type qui nous avait renversé avec sa voiture en 2011. J’ai téléphoné. C’est juste une proposition d’indemnisation. Ils vont la renvoyer. Comment est-ce que je peux me laisser envahir d’inquiétude à ce point… Je me sens épuisé. J’avais rendez-vous avec Marie-Hélène Lafon en fin d’après-midi. Un portrait pour Le Monde. Je l’ai rencontrée à son appartement dans le quartier Picpus. Je la connais du temps où j’étais chez Buchet. Parce que nous avions la même maison d’édition, je m’étais interdit d’écrire sur ses livres. C’est fini maintenant. Marie-Hélène est une de ces rares voix du silence. Des chuchotements plutôt. Des sentiments esquissés. Elle est un écrivain des lisières, toujours à cloche pied d'un univers à l'autre. Ses deux derniers textes (Les Pays et Album ) débroussaillent un peu plus ce chemin des origines, au nord du Cantal, qu'elle retrouve, qu'elle reprend depuis son premier roman, Le soir du chien publié il y a dix ans déjà. Nous avons parlé longtemps. Du déracinement, des lieux, des corps. De la place que peuvent encore occuper les corps dans un monde rendu aux friches.