Lundi 5 mars 2012. 23h00.
Par Xavier Houssin le mardi 6 mars 2012, 23:12 - Lien permanent
Lever aux aurores. Taxi pour Orly. Cela faisait plus d’une semaine que j’essayais de ne pas penser à ce voyage. Nous partions dans le Gers, à L’isle-de-Noé, chez Noëlle, ma belle-sœur, la veuve de mon frère Jean mort en 2010. Quelques mois après le décès de ma mère, Jean et elle étaient venus à Carolles récupérer un tas d’affaires. Des bibelots, de la vaisselle, des souvenirs. La part « d’héritage » de notre père que Jean estimait être la sienne. J’avais abandonné tout ce qu’on me demandait. Et ça tu ne veux pas aussi ? Il avait voulu aussi emporter son journal militaire. Deux très gros cahiers reliés retraçant au gré de ses affectations, les grands engagements et la vie ordinaire. J’avais une fois jeté une fois un œil distrait. Rien de très intime. Je te les rendrai quand tu voudras. J’avais écrit à Noëlle, il y a quelques mois pour les récupérer. Je vais chercher, je vais chercher, m’avait-elle dit. Le temps passant, ils me sont devenus de plus en plus nécessaires. Mon livre tourne en rond. Je ne parviens pas à ordonner les années, les événements. Du coup tout s’effondre, rien ne tient. Nous avons loué une voiture à Toulouse. Traversé des paysages secs, l’herbe grise d’hiver. Une heure et demie de route jusque chez elle. Au village, personne dans les rues. Boulangerie et café fermés. Elle habite (ils habitaient) l’ancienne école sur la place du village, tout près du château XVIIIe. Entrez. Asseyez-vous. Deux gros chats sont venus se frotter à mes jambes. J’étais mal à l’aise. Vraiment pas chez moi. Je t’ai mis de côté ce que tu as demandé. Un regard vers la table. C’était cela qu’elle avait trouvé ? Quelques dossiers administratifs, des photographies de mon père en uniforme. Et le journal ? - Je n’ai rien vu. Et ça ne me dit rien. Il faut encore que je cherche. J’avais pourtant bien expliqué, il me semble. J’ai pris les paperasses. Feuilleté un peu. Je ne pourrai rien en faire… J’en aurais pleuré de dépit. Tout ce trajet pour ça. La matinée a passé en longs blancs. J’ai posé des questions quand même. Mais rien appris que je ne savais déjà. Nous sommes allés déjeuner dans un restaurant de campagne à Montesquiou. Beaucoup bavardé pour faire taire les silences. Petite promenade dans le village et nous avons filé. Tu chercheras quand même ? – Je vais essayer. Quelle journée vide et triste. Et puis ce sentiment d’avoir été floué.