J’ai jardiné. Enfin, plutôt, j’ai ratissé les feuilles au jardin. Occupation d’automne. Le figuier et la vigne vierge sont presque complètement dépouillés. Le frène perd ses folioles dorées, en rafale, au moindre coup de vent. Dîner chez Monique et Jean-Marie. Il y avait là Annie et Michel, Xavier et Anna, Yves et Nathalie. Nous avons parlé de Carolles, évidemment. De ce qu’il faut préserver, sauvegarder. Depuis dix ans, la commune a pas mal souffert. On aurait pu croire, une fois la frange littorale préservée, ce qui a été le long combat de ma mère et de son association de défense de la vallée du Lude, que le même souci d’intégrité allait s’étendre au village. C’est tout le contraire qui s’est produit. On a commencé à lotir. A édifier, dans les vergers, dans les bocages, des maisons sans charme. Frénésie pavillonaire. Plutôt que de réhabiliter les bâtiments de granit des écoles, on a préféré construire, face à la mairie, un groupe scolaire tout neuf. Affligeant de laideur banale. On a créé des parkings, étalé des hectares de goudron, modifié les carrefours, posé un peu partout des bancs en plastique et béton, aligné dans les rues d’inutiles lampadaires rouges et semé deci delà du « mobilier urbain ». Je ne parle pas des projets d’un centre commercial ou d’un nouveau camping qui serait aussi « aire de loisirs ». Je l’ai dit cent fois déjà. Je me répète. Je m’énerve tout seul. Ils « aménagent », et voilà que Carolles ne ressemble plus à rien. Ou plutôt (mais c’est la même chose…) que Carolles devient semblable à n’importe quelle autre commune de ce qui finit par apparaître, du Nord au Sud, comme le grand programme d’enlaidissement national concerté. Enfin… Yves a récemment acheté la villa Mariquita tout au bout de la route de la Croix-Paquerey. Les anciens propriétaires lui ont demandé de la débaptiser. Il a dit oui, mais s’en veut un peu. Drôle de pacte. Comme s’il avait accepté d’ôter l’âme de la maison.