Mardi 8 avril 2008. 23h00.
Par Xavier Houssin le mercredi 9 avril 2008, 00:16 - Lien permanent
Quand est-ce que tu recommences à écrire?, m'a dit Pascale. On buvait un verre rue des Canettes. Du pouilly... Je n'ai pas su trop quoi lui répondre. J'ai dû balbutier quelque chose comme J'essaie sans trop bien pouvoir aller au-delà. Impossible d'expliquer. Mon dernier livre est sorti chez Buchet en octobre 2005. J'avais déjà commencé autre chose à ce moment-là. Ca devait parler de cette drôle de période des dix douze ans où, au collège, on vous apprend à renier votre enfance. Je voulais raconter comment on s'efface, comment on s'oublie. A quel point ça fait peur. Ce collège Saint Vincent justement. A Senlis. Les angoisses d'internat. La chapelle, le cloître en rangs par deux, les bons pères, Hemery le préfet de division et l'envie de pleurer qu'on apprivoise, sourde. J'étais si mal là-bas. J'avais fait je crois une centaine de feuillets. Et puis ma mère est morte. Elle avait attrapé une sale bronchite. Je suis parti à Carolles le samedi 29 avril 2006. Marie avait prévu de me rejoindre. Elle voulait passer le week-end avec sa grand-mère. C'est elle qui est venue me chercher à la gare de Granville. Ma tante a téléphoné. Ne traînez pas en chemin... A la maison, il y avait les voisines. J'ai compris tout de suite que c'était les derniers moments. Elle ouvrait de grands yeux. Elle ne savait plus parler. Je lui ai donné à boire en trempant un petit mouchoir dans l'eau. Elle tenait très fort ma main. J'ai dû lui arracher pour téléphoner au médecin, au samu. Ils voulaient tous que je fasse quelque chose. On l'a emmenée à l'hôpital. Je ne l'ai pas quittée. Elle est partie un peu avant minuit. J'ai enlevé son alliance. Et tout s'est effondré.
Ecrire? En relisant mes pages quelques semaines après, j'ai eu le sentiment d'être hors de propos. Des mots vains à la suite. Une ritournelle fade. J'ai tout jeté. Pour de bon. Recommencer? Rien à faire. Tout était déserté.
Quand est-ce que tu recommences... Oui, je vais essayer. J'ai fait mon bureau dans sa chambre. Je n'ai pas encore réussi à ouvrir les volets.
Hier, j'étais dans une classe de 1ère au lycée de Sartrouville. Le conseil général. La maison des écrivains. Porter la bonne parole de la littérature... On a beaucoup discuté. Je n'achète pas un livre si on m'a raconté la fin m'a dit une jeune fille. Ca m'est resté dans la tête comme une évidence de l'envers. Si je veux continuer à écrire, je dois commencer par la fin.