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jeudi 4 juin 2020

Dimanche 15 mars 2020. 22h20.

Nous sommes allés voter. Le maire ne se représente pas. Tant mieux. Nous avions été pourtant enthousiastes à son élection. Il succédait à quelqu’un qui, en deux mandats successifs, avait tellement abîmé le village... Alors, chacun espérait que tout allait être « réparé ». Amélie avait fait campagne et avait été élue dans l’équipe municipale. Et c’est vrai qu’il semblait que, d’un rien à l’autre, tout s’arrangeait. Le projet coûteux et inutile d’un camping pharaonique à trois, quatre, ou cinq étoiles avait été mis aux oubliettes. Il y avait à nouveau un marché le jeudi. Laurent Beltoise reprenait l’auberge et allait proposer autre chose que de la tambouille. Nous commencions les Rencontres littéraires. Nous ne savions pas que nous dévorions notre pain blanc. Il y a eu ce noir dessein, stoppé non sans mal, d’installer un parking à la Croix Paquerey, empiétant sur les champs qui descendent doucement vers la mer. Il y a eu la rénovation de la rue principale, qui la fait maintenant ressembler, entre le bitume bicolore, les plates-bandes sinistres et le mobilier urbain ridicule, à n’importe quelle rue de banlieue. Il a fallu (bien sûr) construire des lotissements. J’en passe. Quelle déception, et quelle rage aussi. En guise d’héritage supplémentaire, le maire lègue à la prochaine équipe la construction en cours d’une salle des fêtes (l’autre était, paraît-il, vétuste), qui aura l’air, vu les croquis d’architecte, d’un gigantesque hangar de la Luftwaffe. Que c’est triste. Nous avons déposé La Harpe chez Séverine et pris le train pour Paris. J’avais deux émissions de radio prévues et un rendez-vous chez le médecin. Mais, coup de théâtre, nous sommes descendus à Argentan et repartis dans l’autre sens. Retour à la maison. C’est que pendant le trajet nous avions reçu des messages d’amis journalistes qui nous annonçaient que le gouvernement allait incessamment mettre en place un confinement général. Toujours cette foutue épidémie. Chacun allait devoir rester chez soi, comme en Chine, d’où tout cela avait commencé. Mieux valait être à Carolles que dans le deux-pièces de la rue Danville. J’ai rouvert les volets. Nous avons débouché une bouteille de pouilly. On se regardait un peu bêtes. Je crois que nous avons bien fait…

Jeudi 12 mars 2020. 23h10.

J’ai fait l’aller-retour à Paris pour un rendez-vous avec l’ophtalmo qui m’a opéré le mois dernier. Drôle d’ambiance là-bas. On ne parle que l’épidémie. Chacun se méfie. Au cabinet médical, les médecins, les secrétaires, arboraient tous, couvrant le nez et la bouche, une espèce de masque en papier blanc, genre filtre à café. Ordonnance, nouvelles lunettes. Rendez-vous en septembre, m’a-t-il dit. Si nous ne sommes pas tous morts ! J’ai pensé à la réplique de Valère dans Le médecin malgré lui : Je vous ai bien dit que c’était un médecin goguenard.

Mardi 10 mars 2020. 18h10.

Rendez-vous à Avranches avec Mme Guesdon qui « coordonne » ma demande de retraite. Ce que j’ai compris après l’entretien c’est que ce ne sera pas demain que le problème de mes quinze années manquantes sera réglé. Je veux bien être patient, mais comment vais-je faire avec l’argent ? La soirée poésie où je devais intervenir à Saint-Pair avec Mona Ozouf samedi est annulée. La faute à cette épidémie de grippe chinoise qui commence à secouer pas mal les gens. Longue conversation au téléphone avec Josette Pratte, la veuve de Bernard Clavel. Claudine lui a offert mon livre qu’elle a lu d’une traite. Un texte magnifique, me dit-elle. – Merci, merci… Je balbutie. Je ne sais pas bien quoi répondre. Je suis troublé. Je me souviens bien de Bernard, de sa gentillesse à mon égard, de sa si triste fin : près de sept années d’enfermement en lui-même après son attaque cérébrale de 2003. J’ai promis à Josette de passer la voir. Bientôt.

Lundi 9 mars 2020. 22h15.

J’ai reçu un message de Michel. Nous étions ensemble à l’école de service social de la rue de Chaligny à la fin des années 1970. Seuls garçons dans une promotion d’une trentaine de filles. Ah si, il y en avait un autre, Pierre. J’ai oublié son nom de famille. Il est mort pendant nos études. Une tumeur au cerveau, enfin une cochonnerie comme ça. J’aimais bien Michel. En dehors de notre solidarité de genre, comme on dirait aujourd’hui, nous avions en commun des origines normandes et partagions le goût de la bonne chère. Et puis, nous étions tous deux, je crois, assez contemplatifs. Rêveurs si l’on veut. Nous nous sommes fréquentés pendant quelques années à Paris. Il habitait, avec Anne son épouse et leur fils Julien, qui doit avoir le même âge que Marie, un appartement HLM dans le XXe près du boulevard périphérique où il attendait de fuir en province. Ce qu’il a finalement fait. Nous nous étions perdus de vue depuis longtemps quand je les avais croisés par hasard un été à Granville (les parents d’Anne habitaient Donville). J’avais su alors qu’ils s’étaient installés dans le Sud-Ouest. Avions-nous échangé nos adresses ? Je ne sais plus. Nous ne nous sommes en tout cas pas donné de nouvelles jusqu’à ce message. Michel a lu mon livre. En mai, Anne et lui prennent le ferry à Cherbourg pour un voyage de deux mois en Ecosse. S’il passait par Carolles ? Je vais lui répondre que la maison leur est grand ouverte.

Dimanche 8 mars 2020. 16h40.

Deux nouveaux papiers aujourd’hui. Pierre Vavasseur dans Le Parisien et, à nouveau Jérôme Garcin dans La Provence. Je ne boude pas mon plaisir. Et même, je savoure ma revanche. Il y a un an, Manuel Carcassonne m’envoyait paître avec mon Officier. Oh, je ne crois pas qu’il se morde les doigts de son refus. Mais je me plais à croire que toute cette presse l’agace un peu.

Dimanche 8 mars 2020. 16h40.

Deux nouveaux papiers aujourd’hui. Pierre Vavasseur dans Le Parisien et, à nouveau Jérôme Garcin dans La Provence. Je ne boude pas mon plaisir. Et même, je savoure ma revanche. Il y a un an, Manuel Carcassonne m’envoyait paître avec mon Officier. Oh, je ne crois pas qu’il se morde les doigts de son refus. Mais je me plais à croire que toute cette presse l’agace un peu.

Vendredi 6 mars 2020. 19h30.

J’ai eu Olivier Renault au téléphone. Rendez-vous pris, le 26 à La petite lumière, sa librairie, rue Boulard, pour une signature.

Jeudi 5 mars 2020. 17h20.

Un papier de Jérôme Garcin dans L’Obs. Un livre rédempteur, écrit-il. Et aussi une très belle chronique d’Arnaud de la Grange dans Le Figaro. Une autre encore de Franck Boitelle dans Paris-Normandie. Quelle belle journée !

Mercredi 4 mars 2020. 20h00.

Sophie est venue m’enregistrer à la maison pour son émission Paroles et Musique sur Avranches FM, devenu d’ailleurs maintenant Radio Sud-Manche. Grand privilège des antennes locales : le temps. C’est presque une heure et demie de conversation qui sera diffusée. J’avais demandé à avoir en ouverture Les barricades mystérieuses de Couperin, la version de Blandine Verlet. Parce que l’histoire de mon Officier n’est qu’une succession d’empêchements intérieurs, d’absurdes refus d’obstacles, une longue chronique de l’inaptitude au bonheur, en fait.

Lundi 2 mars 2020. 18h50.

Rentré par le premier train. Amélie m’a accompagné à Montparnasse. Elle est avec moi d’une délicatesse de chaque instant. Récupéré La Harpe chez Séverine. J’ai un papier d’Anne-Marie Mitchell dans La Marseillaise, deux critiques de lecteurs sur Babelio.

Dimanche 1er mars 2020. 23h00.

Salon du livre de Levallois. Je n’étais pas vraiment chaud. Je savais que je ne participerais même pas à un un débat et que j’allais me retrouver coincé derrière une pile de livres à attendre le client. J’ai une sainte horreur de ces espèces de foires aux auteurs. Il y règne une confraternité un peu poisseuse, et, en ce qui me concerne, c’est, généralement une cruelle leçon d’humilité, vu que les lecteurs ne se bousculent pas pour me demander des dédicaces. Mais Agnès, chez Grasset, avait un peu insisté et puis surtout, Amélie m’accompagnait et je savais que j’y retrouverais Michel. Nous avons d’ailleurs déjeuné ensemble, avec Françoise, son épouse, juste avant de rejoindre la mairie où se tenait l’affaire. Tout s’est passé comme je le pressentais. Les gens passent, prennent timidement un livre, lisent ou font semblant de lire la quatrième, esquissent un pâle sourire et passent leur chemin. Pesant ennui. Allez, j’ai signé quelques exemplaires. J’ai vu des visages amis (Cécile et son compagnon), et fait mes civilités, à Stéphanie Janicot, à Evelyne Lever, à Pierre Péju, à Etienne de Montéty, à Olivier Bellamy. Agnès Clancier est venue me parler du Corps de Sankara, son dernier roman. J’ai fait un nœud à mon mouchoir pour ne pas oublier de le regarder à nouveau. Prévoyant, j’avais pris avec moi quelques cartes et quelques enveloppes. J’ai rattrapé un peu le retard de mon courrier. Parti le plus (décemment) tôt possible. Il tombait une pluie glacée. Diem perdidi. Heureusement, le soir, nous dînions chez Antonie et Vincent. Pour Suzanne qui avait tant aimé Les malheurs de Sophie, j’avais apporté Les petites filles modèles.

lundi 6 avril 2020

Samedi 29 février 2020. 23h50.

Nous sommes allés déjeuner à Saint-Cloud pour fêter l’anniversaire d’Antoine. Petits cadeaux aux deux. Notre dernière visite remontait à l’automne. Les enfants étaient gentils, Marion plutôt détendue. Mais je trouve tout là-bas cafardeux, débordant d’ennui. C’est mon syndrome de la banlieue. Nous avons accompagné Gabrielle à son cours de théâtre sur le chemin du retour. Le soir, Isabelle, Astrid et Lahlou, sont passés à la maison fêter la sortie de mon livre. Champagne. Il revient de si loin mon Officier.

Vendredi 28 février 2020. 19h30.

Reçu un message de Pôle emploi : Bonjour, Vous ne savez pas conduire des trains ? Venez vous former en étant rémunéré pendant un an ! La dernière fois, un « conseiller » m’avait proposé de devenir chauffeur VTC. D’une certaine manière, ils ont de la suite dans les idées.

Vendredi 28 février 2020. 16h20.

Enregistrement à RFI avec Catherine Fruchon pour son émission Littérature sans frontières. L’immeuble de la radio est à Issy-les-Moulineaux dans un quartier de bureaux sinistre. J’attendais mon taxi quand j’ai reçu un message de Laurence. Son fils (il a quatre ou cinq ans) va très mal. Deux mois que cela traîne sans qu’un diagnostic clair soit posé. Je ne peux pas t’appeler, me dit-elle. Je n’en trouve pas la force. Déjeuner avec Michel, rue Stanislas, chez Marcel. Un bon moment dans tous les sens du terme, puisque nous avons fait la fermeture du service. Nous nous revoyons dimanche pour le salon du livre de Levallois.

Jeudi 27 février 2020. 18h00.

J’ai déposé La Harpe chez Séverine à Coudeville pour quelques jours. Déjeuné à Granville dans une brasserie de la rue Couraye et pris le train de l’après-midi. En cette période de carnaval, avec la fête foraine qui envahit tous les abords de la gare, il n’y pas moyen de se garer. Heureusement, cette année, Brigitte et Yann ont acheté un parking à deux pas. Et ils nous le prêtent. Quel soulagement.

Mercredi 26 février 2020. 21h20.

Messe des Cendres à Jullouville. J’ai filé après la cérémonie. Il était question de bol de riz à la salle paroissiale.

Dimanche 23 février 2020. 23h00.

J’ai reçu un long message de Patrick Kéchichian. Nous nous étions rencontrés au Monde au moment de mes premières piges, en 2005. J’y étais entré en avril avec un papier sur Remonter l’Orénoque de Mathias Enard. Josyane grâce à qui j’avais mis un orteil dans la rédaction était alors sur le départ et m’avait confié à Christine Rousseau. Pigiste, je le suis resté, du règne de Franck Nouchi à celui de Jean Birnbaum. Même si j’ai cru un moment qu’on allait m’embaucher. Aujourd’hui, ma collaboration est pour le moins hachée. Kéchichian m’écrit à propos de mon livre, tenant des propos très louangeux. Confortants surtout. Il l’a lu grâce à Dominique Lefrère à qui je l’ai dédié (Une amie d’adolescence, m’écrit-il). Je suis toujours troublé de m’apercevoir de la manière dont les existences se croisent. Pendant plus de quinze années, et davantage, je pense, elle a été ma thérapeute, mon analyste, ma directrice de conscience. Elle m’a aidé à devenir qui je suis, à retrouver qui j’étais. Aussi à me sauver, à m’enfuir, à m’évader. Je lui dois mes livres et tout particulièrement ce dernier. Je lui dois mon bon, ou plutôt mon vrai côté des choses. Depuis que j’ai mis fin aux séances, nous nous sommes aperçus quelquefois au Rostand, de loin. Un sourire. Un petit signe. Il faudra bien qu’un jour, je lui témoigne de cette reconnaissance-là. Deux chroniques sur L’officier, dans Le Parisien week-end et le Figaro magazine. Je suis gâté.

Vendredi 21 février 2020. 19h50.

Nous avons passé toute la journée à ranger le bois. Deux cordes. Nous avons un nouveau fournisseur, du côté de La Rochelle Normande. L’adresse nous a été donnée par Séverine, la dog-sitter de La Harpe. Le précédent, un voisin d’Etienne à Saint-Jean-des-Champs nous avait livré deux fois de suite des bûches de mauvaise qualité, et je le soupçonne d’avoir été à chaque fois un peu « chiche » sur la quantité. Là, tout à l’air parfait. Du chêne, du pommier, du frêne, du châtaignier. Nous avons fait une belle première flambée.

Vendredi 21 février 2020. 8h20.

Je ne me souviens que du titre : 21 février en pagaille, et la suite. Un poème que j’avais écrit quand je devais avoir dix-huit ans. Ca m’est revenu d’un coup en ouvrant l’agenda. Mais quel était ce texte ? Pourquoi s’accrochait-il à cette date ? Je ne sais plus. Je ne sais plus.

Mercredi 19 février 2020. 20h50.

J’ai écrit à Raphaëlle pour la remercier de son papier dans Le Monde sur mon livre. Elle a tout compris de ce que j'ai essayé de dire.

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